Récit d'aventures dans les Hautes Tatras

Katarzyna Skorek nous fait part de ses souvenirs et réflexions suite à son séjour dans les Hautes Tatras.

Auteur(s) : Katarzyna Skorek / Julien Hallier Publié le : 28/04/2021
Note rédactionnelle


Le texte original, intitulé Oh, my shoes, how they have travelled..., a été écrit en anglais pour le magazine web Routed Magazine pendant la première vague de confinement au Québec. 

La version française a été adaptée pour le blog de Destination Pologne en gardant l’essence du thème premier demandé par le magazine : « L’héritage des personnes immigrantes : ces petites choses que l’on amène avec nous dans nos valises ». Un thème qui revisite la signification de la maison qu’elle soit traduite par des souvenirs, des objets ou des expressions culturelles qu’une personne immigrante peut amener avec elle. Ainsi donc, l’auteure nous transporte dans ses souvenirs des montagnes polonaises pendant la pandémie où elle nous fait explorer son héritage.

Les montagnes, synonymes de liberté, nous amènent à avancer pour atteindre leur sommet, après avoir admiré la vue, elles nous demandent de revenir tout en intégrant une nouvelle expérience. Ce texte explore les « petites choses » que nous rencontrons et cultivons lors d'un voyage de randonnée qui peut nous connecter à notre histoire et à notre expérience de migration. Celle-ci inclut le courage, la détermination, la persévérance, la confiance, l’émerveillement et même la résilience.

Vous pouvez trouver les autres textes sur le même sujet en anglais ici : Issue 11: Immigrant legacies | Routed Magazine.

« Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé » - Félix Leclerc


Debout, en plein milieu de ce lac, petite telle une fourmi, entourée de ces montagnes, j'ai pour sensation leur pouvoir intense sur moi. Je suis chez elles, dans leur élément. Je suis leur invitée et elles me montrent toute leur beauté.

Cette glace forte sous mes pieds qui me soutient, je ne peux que lui faire confiance. Ce vent frais me libère de toute peur et m’énergise naturellement. Cet air, même d'un froid glacial, réchauffe mon corps et ne fait qu'un avec mon Être.

Je n'oublierai jamais cette sensation.

Si j'avais pu arrêter la terre de tourner pour rester ancrée, je l'aurais fait.

Je ne m’attendais pas à ce que mon souhait soit réalisé quelques semaines plus tard.

Un virus atteint notre Terre et nous oblige à arrêter.

Ce souvenir de janvier 2020 dans mes montagnes polonaises, ma terre natale, me revient pendant le premier confinement. Non pas par nostalgie, mais par grande reconnaissance. 

Reconnaissante d’avoir eu la chance de retourner dans mon pays avant que toutes les frontières internationales soient fermées pour un temps indéterminé.

Reconnaissante d’avoir entendu ma voix intérieure me souffler « welcome home » alors que je venais d’effleurer le sol polonais.

Reconnaissante d’avoir eu la chance de créer de nouveaux souvenirs avec ma famille.

Reconnaissante d’avoir vu une partie de mes précieux amis et d'avoir créé de nouveaux liens au passage.

Reconnaissante pour ces belles rencontres à ce jour qui m’ont permis de réaliser un de mes rêves, celui de découvrir la chaîne de montagnes des Tatras en hiver.

Je suis accompagnée d’une amie franco-polonaise, guide de montagne de la région. Elle me suggère des sentiers, me confirme les incontournables à voir pendant mon séjour et propose de me  guider à travers ses montagnes.

Je réalise un rêve au-delà de mes attentes en vivant une immersion montagnarde locale pendant trois jours. 


***


Nous sommes parties tôt ce matin-là. Le lever du soleil nous accompagne entre les branches des arbres tout au long du sentier.

Je marche dans cette neige pendant plusieurs kilomètres pour seul son mon souffle qui se synchronise avec le bruit de mes pas.

Soudainement, je réalise que, malgré ma fatigue, je retrouve mon énergie. Tout blocage disparait. Je retrouve confiance. Le vent frais des montagnes permet à mon mental de fusionner avec mon corps.

J’aime ce sentiment de légèreté.

J’aime voir cette magie s’opérer en moi, autour de moi, lorsque je sors de ma zone de confort.

Cette allée blanche nous amène droit vers son lac et ses montagnes, le Morskie Oko, qui somnole encore paisiblement, avant l’arrivée d’une foule de touristes bondissante.

Je visualise au loin ce que je m’apprête à voir, mais toujours sans attente.

… Il me reste quelques pas à faire…

… Je souris…

J’arrive devant ces belles.

Elles nous accueillent à bras ouverts.

Au même moment, le soleil nous salue en montrant le bout de son nez, juste à temps entre deux sommets, avant de repartir se cacher. 

Je me pose, en prenant une grande respiration afin de permettre à mes yeux d’absorber toute cette beauté naturelle. 

Je ferme les yeux. Je suis reconnaissante. Je suis heureuse. Je suis à la maison…

… Mais je sais que le retour doit se faire …

Avec les années, je fais de la Pologne mon refuge, tout particulièrement cette frontière montagneuse naturelle qui longe la Slovaquie, où j’en fait mon camp de base pour me ressourcer…

J’en profite donc pour m’enraciner avant de reprendre la route.

Sur le chemin inverse, mes pensées vont vers ce moment …

… Ce moment où je suis tombée en amour avec ces montagnes pour la première fois… et les fois suivantes…

… Ce moment où un ami de ma ville natale, Białystok, me fait vivre mon baptême de ses montagnes quelques années plus tôt, à l’automne…

… Ce moment où nous sommes logés dans cette cabane en bois … en plein cœur de cette chaine montagneuse…

… Je sirotais mon café. Je contemplais cette vue matinale. Une cime enneigée entourée de boisé.

… Nous partagions ce moment avec des experts randonneurs autour d’un déjeuner. Ils me parlaient de leur périple au mont Everest entre deux bouchées, juste avant de reprendre la route pour franchir la frontière slovaque. J’étais tout ouïe.

… À ce moment-là, je me sentais telle une aventurière en expédition. Je jubilais à l’idée de découvrir ce lieu sacré, si populaire et tant méconnu à la fois.

J’ai eu la chance d’y retourner ensuite avec des amies québécoises et françaises pour leur faire découvrir ce trésor…

Je reviens à mes pas, dans cette neige, au rythme de mon souffle.

Je me sens reconnaissante de pouvoir voyager ainsi dans mon pays natal.

… Mais…

… Je sais aussi que ma terre d’accueil, le Québec, où je bâtis ma vie depuis mon enfance, attend mon retour.

Je continue à marcher dans cette neige blanche qui me rappelle mes hivers québécois et dont je vais en retrouver sa couleur bientôt. 

Je regarde mes souliers avancer un pas à la fois, me montrant la direction à suivre.

La chanson du grand auteur-compositeur-interprète québécois Félix Leclerc qui chante si bien  « … Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé…. »  m’accompagne jusqu’à la ligne d’arrivée de ce sentier en forêt. 


***


Satisfaction.

L’adrénaline continue à me monter.

Je me retourne vers ces belles une dernière fois.

… J’ai encore tant à voir et à découvrir…

Je pense au vol que je dois prendre.

L’avion commence à faire sa descente vers l’aéroport Pierre-Eliot-Trudeau de Montréal. 

On nous demande de nous attacher et de remonter nos sièges.

Je vois au loin cette neige tombée la veille.

… Je sourie…

Les roues se posent doucement pour faire arrêter le moteur de l’engin quelques minutes plus tard.


***


Je marche à travers les portes douanières.

Je me sens reconnaissante d’avoir entendu ma voix intérieure me souffler « welcome home » alors qu’au loin, mon père m’accueille à bras ouverts. 


***


J’ai les deux pieds dans la neige en tournant les portes de l’aéroport.

Je regarde mes souliers… qui ont beaucoup voyagé.

Je prends une grande respiration…

… « Cet air, même d'un froid glacial, réchauffe mon corps »…

Je ferme les yeux. Je suis reconnaissante. Je suis heureuse. Je suis à la maison …


***

Bien que les montagnes ne soient petites, mes chaussures dans lesquelles j’ai voyagé, me rappellent ces « petites choses ». Le processus de voyage à travers ces montagnes, le fait d’atteindre le sommet, de contempler une vue, de descendre et de monter me connecte à mon histoire. Nos chaussures sont toutes uniques, entraînent des expériences incroyables et nous rappellent notre voyage : d’où nous venons, où nous allons et qui nous amenons avec nous tout au long de ce parcours.

Katarzyna Skorek

Katarzyna fait partie de la vague migratoire polonaise de la période Solidarność durant les années 80. Elle est entrepreneure, diplômée d’une maîtrise en management des entreprises culturelles du HEC Montréal, cumulant plus de 15 ans d’expériences professionnelles dans le milieu culturel et touristique. Son expertise et ses résultats de recherches l’ont propulsé à l’Académie européenne de diplomatie de Varsovie (Pologne), où elle obtient son diplôme en étude d’organisations internationales.

Son parcours personnel et professionnel l’amène à développer ses connaissances et champs d’intérêt d’analyses sur l’identité culturelle, la gestion intergénérationnelle et la « diaspora diplomacy ».

Katarzyna est présentement doctorante au département d’études loisirs, culture et tourisme à l’Université du Québec à Trois-Rivières, assistante de recherche et coordonnatrice au Laboratoire en loisir et vie communautaire. 

Crédits photo : Katarzyna Skorek, Destination Pologne

 

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